Ou en est la Maçonnerie de france

Publié le par lettre blanche

Où en est « La Maçonnerie Française » ?

Vers la fin de « La Maçonnerie Française » ?

Cette question apparaît en bonne place sur le site www.fm-fr.org . On y apprend qu’une des neuf obédiences constitutives et non des moindres, la Grande Loge de France, a pris la décision de s’en retirer. Le communiqué se conclut par une autre question : « Que va-t-il advenir de l’Institut Maçonnique de France … fondé par les neuf obédiences… ? » Suite à cette publication, le « microcosme » s’agite et les rumeurs vont bon train. Qu’en est-il exactement ?

Tout d’abord, pour dissiper toute ambiguïté, il faut préciser ce site dénommé « Franc-Maçonnerie Française » n’entretient pas de lien avec l’association homonyme. Cette association de fait, a été créée en 2001 à l’initiative du Grand Orient de France par neuf obédiences :

. le Grand Orient de France
. la Grande Loge de France
. la Grande Loge Féminine de France
. le Droit Humain
. la Grande Loge Traditionnelle et Symbolique Opéra
. la Grande Loge Mixte Universelle
. la Grande Loge Mixte de France
. la Grande Loge Féminine de Memphis-Misraïm
. la Loge Nationale Française

Ce groupement, qui n’avait pas de statut juridique particulier, fonctionnait, dans les faits, de différentes manières. Des manifestations publiques communes (colloques, conférences, salons littéraires…) étaient organisées en commun par les neuf obédiences. Une réunion des grands-maîtres était organisée tous les mois. Enfin, des communiqués de presse étaient publiés au nom de « La Maçonnerie Française ». Juridiquement, c’était donc une association de fait. Seule la marque « La Maçonnerie Française » avait fait l’objet d’un dépôt à l’INPI au nom du Grande Orient de France.

En novembre 2006, les représentants des neuf obédiences concernées ont mis fin à ce groupement à l’initiative de la Grande Loge de France. Alain Graesel, Grand Maître de la Grande Loge de France, dans un entretien publié par le journal , bulletin d’information de son obédience, revient sur ces évènements.

L’existence de cette association de fait a suscité au sein des instances de la Grande Loge de France, dès sa mise en place, des débats récurrents et de fortes critiques. Ces critiques portent essentiellement sur deux points si l’on fait abstraction du problème de la propriété de la marque détenue par une seule obédience.

Le premier point porte sur le choix des neuf obédiences fondatrices. Ce choix limitatif peut paraître arbitraire aux yeux de celles qui n’en font pas partie et certains n’ont pas hésité à stigmatiser « le Club des 9 ».

La deuxième critique vise les déclarations publiques « d’une seule obédience au nom de La Maçonnerie Française, engageant la GLDF sur des points d’actualité ». Plus loin, Alain Graesel développe ce thème en parlant de dérives lorsque des obédiences souhaitaient exprimer des positions de nature politique et le faisaient au nom de La Maçonnerie Française.

Quelques brèves remarques personnelles

Les faits étant exposés, l’auteur de ces lignes qui, en 2001, a suivi de près la gestation de La Maçonnerie Française se permet d’apporter quelques réflexions « à chaud » qui n’engagent que lui.

On doit à Alain Bauer, élu Grand Maître du Grand Orient de France, l’initiative de ce projet. Il s’agit alors de créer un espace commun permettant aux obédiences françaises de parler d’une seule voix sur des sujets communs. Il s’agit également de promouvoir en commun des manifestations publiques permettant de mieux faire connaître l’institution maçonnique. Celle-ci n’échappe pas alors aux critiques, notamment dans la presse. Ailleurs en Europe, que ce soit en Italie ou en Grande-Bretagne, la question de l’appartenance maçonnique des fonctionnaires de police et des magistrats est posée. Dans un contexte pouvant favoriser un nouvel antimaçonnisme larvé, il apparaît alors nécessaire que les obédiences maçonniques dialoguent puissent s’unir sur certaines actions communes. Les consultations menées à cette époque ont abouti à la solution que l’on connaît, solution que je qualifierai de pragmatique, voire de provisoire. Ceci a débouché, il ne faut pas l’oublier, sur un certains nombre de manifestations culturelles, pour la plupart, qui ont recueilli une large audience. Peut-on parler d’un échec ?

A mon avis, la question se pose en d’autres termes. Le paysage maçonnique français actuel se compose d’un grand nombre d’obédiences de nature et de taille diverses. La France partage ce privilège avec d’autres pays comme l’Italie ou la Grèce. Cette diversité n’est pas sans poser de grands problèmes de fonctionnement au quotidien. Au nom de l’universalité de la franc-maçonnerie, qui recevoir ? Qui reconnaître ? Si la plupart de ces obédiences sont dignes d’intérêt, certaines associations n’ont de maçonnique que le nom.

Dans ce contexte, nul n’ignore qu’en France, l’unité maçonnique prend l’allure d’un idéal vivement désiré mais sans cesse repoussé. Ce contexte bien particulier a favorisé la recherche de solutions diverses de rapprochement entre obédiences. A ce jour, aucune n’a donné satisfaction, beaucoup ont causé des déceptions collectives et personnelles.

Poser le problème, c’est tenter de le résoudre. Quel est l’état des lieux ? Selon moi, relations inter obédientielles en France et relations internationales sont intimement liées. Chaque obédience française entretient un système de relations formalisé ou non par des conventions.

Au niveau international, il existe un ensemble majoritaire en relation avec la Grande Loge Unie d’Angleterre. C’est cet ensemble que l’on appelle souvent la franc-maçonnerie régulière. En France, comme en Belgique, les grandes obédiences historiques sont en dehors de ce système. Seule la Grande Loge Nationale Française en fait partie et, pour l’heure, il ne peut y avoir qu’une seule obédience reconnue dans un état.

Il existe en France deux grandes obédiences historiques, le Grand Orient de France et la Grande Loge de France. La plupart des autres obédiences en sont nées par scission. Chacun comprendra que la qualité des relations entre ces deux obédiences influe directement sur l’ensemble des autres obédiences, la GLNF étant à part.

Ceci précisé, il existe différentes options pour unir des obédiences en une Union Maçonnique de France. L’une d’elles, que j’appelle l’hypothèse haute, mérite d’être évoquée en tant que cas d’école, il s’agit de la confédération. Dans une telle structure, les obédiences qui en font partie restent autonomes et souveraines à l’exception des attributs de souveraineté qu’elles délèguent à la confédération. Il s’agit la plupart du temps, des relations extérieures. C’est la configuration adoptée par les Grandes Loges Unies d’Allemagne en 1964. Sauvegardant l’indépendance de chacun, elle suppose une convergence forte sur les points essentiels.

A l’opposé, on peut imaginer un groupe d’obédiences développant entre un système de relations bilatérales permettant l’exercice du droit de visite et de la double affiliation. C’est l’hypothèse basse. C’est alors que peut se faire sentir le besoin d’un organe plus ou moins formel qui permet de rassembler et de coordonner certaines informations. Dans un tel contexte, une entité ressemblant à La Maçonnerie Française pourrait jouer ce rôle.

Si l’on revient aux propos d’Alain Graesel, on remarquera que la première objection soulevée par la GLDF concerne les relations inter obédientielles propres à chaque obédience. La deuxième concerne le refus de prises de positions de nature politique prise par une obédience au nom des autres.

Ce point est certainement le plus important et renvoie aux grands problèmes de la franc-maçonnerie française. Qu’y a-t-il de commun entre les neuf obédiences qui ont constitué La Maçonnerie Française ? Lorsque ces corps maçonniques ont décidé de se rapprocher en 2001, ils ont pensé que ce qui les unissait allait au-delà de ce qui les séparait. Visiblement, il n’en est plus de même cinq ans plus tard.

Dans son ouvrage La voie substituée, Jean Baylot a mis en lumière le drame de la franc-maçonnerie française et l’instrumentalisation dont elle a été l’objet. La Franc-maçonnerie n’est pas un cercle de réflexion politique ou social ; ceci se fait en mieux ailleurs. Elle doit se défendre de toutes tentatives d’instrumentalisation venant d’autres structures, tentatives qui ne peuvent qu’introduire le ferment de la division et de la confusion. Elle n’est elle-même que si elle reste fidèle à ses principes fondamentaux consacrés par la tradition. C’est alors qu’elle peut devenir le centre de l’union.


Gino Sandri

Publié dans lettreblanchetm

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